Bulletin d'alerte n° 5

Conservatoire végétal régional d’Aquitaine
Domaine de Barolle – 47130 MONTESQUIEU

Mes arbres bien dans leurs racines

BULLETIN D’ALERTE  N° 5
17 juillet 2015



Par Clément Matrat
Stagiaire Master Agroécologie


Drosophila suzukii  (moucheron asiatique ou drosophile à ailes tachetées) est une espèce d'insecte de l'ordre des dipteres et de la famille des Drosophilidae. Elle appartient au même sous groupe du genre Drosophila que Drosophila melanogaster (ou mouche du vinaigre) qui s'attaque aux fruits abimés.

D. Suzukii est un ravageur originaire d'asie qui, depuis 2008 s'est disséminé à travers toute l'Europe. Elle cause des dégâts très importants sur de nombreuses espèces fruitières, notamment sur cerises et petits fruits rouges. Très polyphage, très mobile et à taux de reproduction très élevé, Drosophila suzukii est un ravageur redoutable, contre lequel aucune méthode de contrôle n’apporte à ce jour des résultats satisfaisants.

Biologie

L'adulte de D. suzukii mesure 2-3 mm, il a les yeux rouges et un corps brun jaunâtre. Les larves sont petites et de couleur blanc-crème et ont peut en rencontrer plusieurs dans un seul fruit. Les mâles sont différenciables des femelles par deux taches sombres caractéristiques au bout des ailes et visibles à l'œil nu. Les femelles possèdent un organe de ponte (ovipositeur) très développé, visible uniquement avec une puissante loupe. Le mâle et la femelle ont des rayures continues visibles à l'œil nu sur l'abdomen.









Figure 1 : Individus mâle et femelle de Drosophila suzukii

Capable de se développer sur des espèces cultivées ou sauvages, on la retrouve à des altitudes supérieures à 1500 mètres. Elle est active surtout du printemps à l'automne et elle apprécie particulièrement les endroits humides et ombragés; sa température optimale de croissance est de 20°C mais elle tolère une amplitude de température allant de 0 à 30°C. Elle a un cycle biologique très court (une semaine à un mois) et on peut observer jusqu'à 13 générations par ans. Son cycle commence au printemps quand des fruits sont disponibles pour les premières pontes. Chaque femelle peut pondre 7 à 16 œufs/jour, soit environ 380 œufs pendant sa durée de vie. Les petites larves blanches sortent des œufs après 1 à 3 jours, puis elles se nourrissent de la chair des fruits. L’essentiel des dégâts est provoqué par ces larves: les fruits se recroquevillent et se transforment en bouillie. Les larves se nymphosent sur les fruits endommagés, mais occasionnellement aussi dans la litière du sol. La nouvelle génération éclot ensuite après une diapause nymphale de 4 à 15 jours. Les adultes peuvent passer l'hiver dans le sol et des températures très basses à ce moment peuvent faires baisser les populations qui ré-augmentent ensuite au printemps.



Dégâts sur fruits






Figure 2 : Dégâts directes et indirectes sur cerises

Contrairement à la majorité des espèces de Drosophiles qui se développent sur des fruits déjà abîmés voire en décomposition, les femelles D. suzukii pondent dans des fruits sains matures ou en cours de maturation. La mouche introduit ses œufs en perçant la peau des fruits et les larves se nourrissent de la pulpe, favorisant le développement de bactéries et de moisissures entraînant un pourrissement du fruit. Les fruits touchés présentent des marques de piqûres, qui localement flétrissent rapidement car les larves s'y développent et entrainent l'apparition de parasites secondaires tels que la Drosophyla melanogaster, la pourriture grise, le Rhizopus …


Plantes hôtes :

Très sensibles :
Fraisiers remontants, cerisiers, pruniers (selon les variétés), framboisiers d'automne, raisin de table (selon les variétés), mûriers

Sensibles :
Figuier (selon les variétés), Framboises d'été, groseilliers, cassissiers, myrtilles

Peu sensibles :
Pêchers, mirabelliers, abricotiers

Classement non exhaustif, la sensibilité des espèces fruitières varie beaucoup selon les variétés.
En plus des plantes cultivées, la drosophile du cerisier attaque aussi de nombres espèces de fruits sauvages et de buissons ornementaux.



Comment réagir :

La surveillance

La meilleure façon de détecter la présence éventuelle du ravageur dans les cultures sensibles est de placer des pièges en bordure au moment de la coloration des fruits. Les pièges peuvent être fabriqués avec des bouteilles plastiques transparentes;  il faut percer à 10 centimètres de haut une vingtaine de trous d'environ 5 millimètres de diamètre à l'aide d'une aiguille chauffée sur un des cotés de la bouteille. Ensuite remplir le fond du mélange suivant :
- 1/3 de vin rouge
- 1/3 de vinaigre de cidre
- 1/3 d'eau
- 1 ou 2 gouttes de produit vaisselle ou de savon
- 1 pincée de sel pour ralentir l'évaporation du mélange
Les pièges doivent être disposés dans des endroits ombragés sur tout le périmètre autour de la parcelle (distance entre 2 pièges de 2m environ) et contrôlés régulièrement.

Changer le mélange toutes les deux semaines.
Les mâles sont facilement reconnaissables à la tache noire présente au bout de chaque aile et on peut observer des lignes noires continues sur l’abdomen.




Figure 3 : piège avec mélange attractif


Prévention et lutte

Créer un climat sec et aéré dans la culture :
D. suzukii étant sensible à la chaleur et à une faible humidité, toutes les mesures permettant d'accentuer ces conditions peuvent avoir un effet préventif. Parmi elles, on peut citer : une taille des arbres qui favorise une bonne aération, le maintien d'une végétation rase sous la culture, la pose d’un film noir sous la culture ou encore l’adaptation de l’intensité de l’irrigation.

Utilisation de filets protecteurs :
Couvrir les cultures avec des filets (mailles de 0,8 mm) empêche l’immigration des drosophiles, et c’est actuellement la méthode préventive la plus sûre. La couverture doit être installée dès le début de la coloration des fruits. Cette méthode complique néanmoins la récolte.


Garder la zone de culture propre :
Des mesures d’hygiène strictes doivent être prises dans les cultures. Les fruits trop mûrs doivent êtres systématiquement éliminés et le rythme des passages de cueillette  augmenté  car la mouche s’attaque aux fruits mûrs ou peu avant maturité. Les fruits attaqués et en décomposition doivent être enlevés et détruits, la méthode la plus sûre étant la solarisation: les fruits sont mis pendant 10 à 15 jours au soleil dans un sac en plastique hermétique ettransparent. Les fruits ne doivent pas être compostés avant cela. Il est important que les fruits surmaturés ne restent pas sur les plantes. Une récolte à temps, complète et régulière pour tous les fruits est la meilleure méthode de lutte contre la mouche de la cerise.

Le piégeage de masse :
Les piégeages de masse peuvent être faits avec les mêmes pièges que pour la surveillance du vol, mais il faut poser des pièges en densité plus importante sur les bordures et dans la parcelle. Au début de la coloration des fruits, les pièges doivent être posés d’abord dans les bords des parcelles pour retarder l’immigration des drosophiles dans les cultures. Dès que les drosophiles ont atteint le centre de la parcelle, les pièges doivent être disposés dans toute la culture selon un quadrillage de 5 mètres de côté. Des essais italiens ont montré que les piégeages de masse ont une efficacité nettement meilleure que les traitements répétés.

Pour le piégeage de masse, on trouve sur le marché deux types de pièges en complément des pièges de fabrication maison: le DrosoTrap et le piège-gobelet. Il est pour l’instant difficile d’évaluer quel piège se comporte le mieux dans la pratique.

Utilisation d’argile kaolinite : Selon diverses sources l’argile kaolinite pourrait avoir un effet répulsif contre les adultes, pulvérisée dès les premiers vols. Son efficacité est partielle mais constitue un complément de lutte en préventif. Néanmoins elle laisse une trace blanche sur les fruits et il convient donc de ne pas l'épandre 15 jours avant la récolte.

Retour d'expérience au verger de Montesquieu

Jusqu'à maintenant, seule la parcelle de collection de cerisiers a été attaquée. Les premières attaques ont été particulièrement importantes sur les variétés précoces et plus des trois quarts des fruits ont été atteints très rapidement. Il s'agissait surtout de cerises ayant une couleur rouge foncée voire noir, d'autres cerises de couleur plus claire ayant muries peu de temps après et se trouvant à proximité comme par exemple la Chapata ont été atteintes beaucoup plus tardivement. Les cerises type bigarreau et plus particulièrement les bigarreaux blanc ont été moins touchés par les attaques ou plus tardivement. Une hypothèse peut être émise sur la sensibilité des variétés de cerises ayant une couleur noire et étant plus sucrée.

De nombreux pièges avec un mélange attractif ont été posés dans la parcelle avec des intervalles de deux à cinq mètres entre chaque. Leur efficacité et leur sélectivité a été avérée. Rapidement de nombreuse Drosophila suzukii ont été prises dedans avec peu d'autres espèces d'insectes mises à part quelques Drosophila mélanogaster (mouche du vinaigre). Néanmoins la difficulté à se procurer des bouteilles plastiques en nombre suffisant a conduit à la pose des pièges de manière fragmentée dans le temps ce qui a peut être diminué l'efficacité de leur impact sur les populations de D. suzukii au début de l'infestation.

Des pièges ont été laissés dans la parcelle de cerisier pour y contenir D. suzukii malgré l'absence de fruits ; des pièges ont été placés autour de la parcelle de pruniers qui se trouve à proximité pour détecter une éventuelle attaque.
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